Etre chat à Bligny, c'est plus ce que c'était !
Publié le 26 Octobre 2013
Tous les lecteurs de ce blog ne connaissent pas Bligny. Savent-ils au moins que Bligny n'est pas une ville mais un lieu, un parc de 85 hectares dans lequel un sanatorium fut construit au début du 20ème siècle ? Des "poilus" de 14-18, pour ceux qui étaient sortis de l'enfer, vinrent y soigner leurs poumons. La tuberculose reculant, le sanatorium évolua en Centre Médical et plus récemment en Centre Hospitalier.
Cela étant, je ne suis pas là pour vous raconter l'histoire de Bligny mais pour vous parler des chats qui y vécurent et y perdirent la vie.
Le C.H. de Bligny s'inscrit dans un agréable cadre de verdure. Il n'est pas "tout béton" comme d'autres établissements ayant la même vocation.
Disséminées dans le parc, des gloriettes sont en cours de restauration. Elles font partie du patrimoine de l'hôpital...Les patients ne les fréquentent plus guère comme l'état des bancs en atteste. .
Pendant des années des chats y furent abandonnés et vécurent tant bien que mal, certains patients avaient sans doute pitié d'eux et leur distribuaient une partie de leur repas. Les chats faisaient leur travail de chat, ils chassaient les rongeurs et autres insectes indésirables, genre cafards. Ils apportaient aussi une note de gaîté dans ce parc, au même titre que les oiseaux et les écureuils. Ce que les chats devaient apprécier c'était le confort des sous-sols et des vides sanitaires auxquels ils avaient accès. Tuyaux de chauffage, ballons d'eau chaude et safaris à l'abri des intempéries...voilà ce que connaissaient les chats de Bligny.
Pour leur malheur, ils se reproduisaient sans contrôle avec le cortège des "inconvénients" qui en résultaient pour la tranquillité des patients. Alors, quand ils devenaient trop nombreux et pour rétablir le calme, les Directeurs successifs en faisaient éliminer une partie par les méthodes employées pour les rats et les souris. Les chats mouraient où ils pouvaient. Ceux qui rendaient l'âme à l'extérieur étaient ramassés, parce que les cadavres faisaient désordre. La plupart de ceux qui agonisaient dans les sous-sols y restaient pour l'éternité sous forme de momies cartonnées.
Depuis la création du sanatorium au début du 20ème siècle, les lois protégeant les animaux domestiques ont évolué. Si aujourd'hui des intellectuels, ou réputés tels, ont signé un manifeste pour que les animaux ne soient plus considérés seulement comme des objets pouvant se déplacer par leurs propres moyens, il y a déjà longtemps qu'on a plus le droit de les éliminer comme de la vermine, sous peine d'être sévèrement sanctionnés, en théorie.
Au printemps 1990, la nouvelle de cette évolution n'était pas encore parvenue à Bligny puisqu'une "déchatisation" avait eu lieu au mois de mars. Bref, oublions les sujets qui fâchent. Le Directeur de l'établissement s'est vite rendu aux raisons de celles qui voulaient protéger les chats. Il a aussi compris qu'il valait mieux autoriser ce qu'on ne peut empêcher dans la pratique. Les panneaux d'interdiction de nourrir les chats ont disparu. Les membres de notre association ont été autorisés à disposer des niches/cantine dans des endroits discrets. Les chats y reçoivent depuis 23 ans de la nourriture de qualité et de l'eau fraîche. Les patients ont été dissuadés de se priver de leur repas pour les distribuer aux chats et beaucoup ont été heureux d'apprendre qu'à Bligny on respecte la vie, fut-elle celle de chats sans maîtres.
Cette niche/cantine a été la première installée à Petit Fontainebleau en 1990. Après 22 années de bons services elle n'en pouvait plus !
Ainsi pendant 20 ans (de 1990 à 2010) les chats sans maîtres, mais pas sans protecteurs, de Bligny ont connu une vie, non pas idéale mais relativement confortable. Ceux que nous avons pu reconvertir en chats adoptables ou potentiellement adoptables n'ont pas été remis sur leur territoire. Cent quatre vingt deux chats ont été "neutralisés" sur ce site.
Au mois de février 2010 les choses se sont gâtées. Brusquement le Directeur, qui n'était plus celui avec lequel nous avions des rapports distants mais courtois, se piquant d'hygiène, a commencé à faire grillager les accès aux sous-sols pour empêcher les chats de s'y réfugier. Février 2010, il y avait de la neige, il faisait froid. Où croyez-vous qu'ils étaient les chats ? Dans les sous-sols pardi ! C'est en constatant leur absence et voyant la nourriture intacte dans nos niches/cantines que nos nourrisseurs se sont inquiétés. Ils ont posé des questions aux membres visibles du personnel qui nous ont renseignés.
Je me suis mise en rapport avec le Directeur qui m'a envoyée sur les roses, indiquant qu'il n'était pas de mon ressort de faire des enquêtes auprès du personnel de l'établissement et qu'il avait pris soin de faire évacuer les sous-sols avant de faire poser les grilles.
Pour faire une telle affirmation ce Directeur n'avait probablement jamais mis les pieds dans un sous-sol de "son" hôpital ...Il ignorait qu'il ne suffit pas de claquer des doigts pour faire sortir des chats craintifs de leurs innombrables cachettes dans le dédale des vides sanitaires.
Avec bien des difficultés et des heures de patience Christophe et Ghislaine, qui s'étaient fait ouvrir l'accès à un sous-sol, ont pu extraire quelques chats de leur prison.
Cette niche/cantine, placée à proximité d'un soupirail de la chaufferie était le point de nourrissage de quelques chats, Muscade était la plus fidèle.
Les jours de mauvais temps, elle attendait le passage des nourrisseurs, dans le confort de la chaufferie.
Le soupirail a été fermé. L'hiver suivant Muscade a été retrouvée morte sous la pluie. Les détritus s'accumulent devant la petite fenêtre close.
Le temps a passé, un petit soupirail était resté ouvert donnant accès aux entrailles d'un vaste secteur de l'hôpital. C'est par ce soupirail que j'avais vu sortir quelques chats à la fin du mois de février. Plusieurs ont été capturés (articles des 21 février et 29 mars). Après leur passage chez le vétérinaire et le temps de convalescence, ils ont été relâchés au même endroit. Holly, capturée chaton fin février, est aussi retournée dans l'environnement qu'elle n'avait pas oublié (article du 9 juin).
Récemment, quand Christophe m'a appris que cette petite ouverture avait aussi été grillagée, c'est à Holly que j'ai tout de suite pensé, Holly la petite sauvageonne que j'avais, en vain, tenté de socialiser et que j'avais vue s'engouffrer dans ce trou quand je m'étais résolue à la relâcher.
Le Directeur -celui avec qui j'avais eu un si chaleureux contact au mois de février 2010 - vient de quitter ses fonctions. C'est le Directeur Administratif qui assure l'intérim. Dès que je lui ai fait part de mes inquiétudes quant au sort cruel qui serait celui de chats prisonniers dans ce labyrinthe, il m'a mise en rapport avec les services techniques qui m'ont donné accès à ce sous-sol.
Une trappe disposée près de cette petite ouverture m'avait permis de capturer plusieurs chats dont deux petites chattes noires
Cet espace débouche sur un couloir qui donne accès à d'autres espaces... des centaines de mètres carrés et autant de cachettes pour nos chats. Qui pourrait sérieusement affirmer que les chats ont été évacués ?
La première fois que j'ai voulu aller y déposer nos trappes j'ai dû rebrousser chemin car il n'y avait plus de lumière. Electricité coupée ou ampoules "mortes" ? J'y suis retournée avec Christophe, chacun portant une trappe et une lampe torche. Nous avons exploré autant que faire se peut dans ces mauvaises conditions. Et... nous n'avons rien vu bouger, rien entendu. Quand nous nous dirigions vers la sortie, un peu par hasard j'ai envoyé le faisceau lumineux de ma lampe vers un coin d'un vide sanitaire et j'ai vu... un chaton !!! Un chaton que Christophe a essayé d'attraper. Il n'a fait que provoquer sa fuite vers le labyrinthe obscur.
Il nous restait à espérer qu'il reviendrait, guidé par la bonne odeur des appâts que nous avions disposés dans nos trappes.
Voilà pourquoi les jours suivants j'ai multiplié les visites dans ce sous-sol. J'avais tout de même pris soin d'acheter quelques ampoules électriques afin d'y voir clair !
Capturé le 16 octobre le chaton ! Deux jours plus tard, elle (oui c'est une fille) n'a plus vraiment peur. Elle se laisse caresser.
N'y avait-il que ce chaton dans le sous-sol ? Patience... nouvel appât, nouvelles visites dans le sous-sol ...
17 octobre. C'est au tour d'un adulte de se faire prendre. Un adulte qui a tout l'air d'être la maman du chaton. Elle est opérée aujourd'hui et s'appelle Hindia.
Pas question de plier bagage sans être sûre que je n'abandonnais pas un prisonnier derrière moi, condamné à mourir de faim et de soif. J'ai laissé une trappe et son appât appétissant et odorant au même endroit. Pour faire bonne mesure j'ai aussi placé un peu plus loin une petite gamelle de croquettes et bien sûr plusieurs bols d'eau.
A chacune de mes visites de contrôle je constatais que rien n'avait été mangé, pas même les petits morceaux de pâtée à l'entrée de la trappe. N'y avait-il plus personne à capturer ? Après je ne sais plus combien de visites je m'aperçus que quelques croquettes avaient été mangées. Je changeai l'appât humide qui n'était plus très frais.
19 octobre en fin d'après midi, il manquait encore un tout petit peu de croquettes. Un chat affamé n'aurait pas mangé aussi peu de nourriture... était-ce une souris, un rat que je nourrissais ?
Dimanche 20 octobre 19 h 30, je commençais à trouver ces allers et retours un peu lassants ! Mais... quand faut y aller, faut y aller ! Et là, je vois ma trappe fermée ! Quelque chose bouge à l'intérieur. Quel genre d'animal s'est finalement fait prendre ?
Il aura fallu une semaine de patience pour récupérer ces trois là !
J'ai laissé une gamelle de croquettes "témoin" et de l'eau... samedi 26 octobre, comme tous les jours de la semaine, je suis allée voir si quelque chose avait bougé. Il semble que cette fois ci il n'y ait plus de chats à sauver dans ce sous-sol. Je n'ai pas revu Holly, ni Hortense, ni Hirsute. Où sont-elles ?
Merci d'avoir, vous aussi, été patient et de m'avoir lue jusque là. Demain ou après-demain, je vous "parlerai" encore de ces chats auxquels il faut maintenant trouver un abri.