
C’est son père qui a transmis à Mathilde la passion des brocantes. Toute petite elle n’a jamais rechigné à se lever aux aurores pour l’accompagner “aux Puces” dans le secret espoir de trouver la pièce rare, l’objet magique, celui que l’on doit à tout prix acheter. Pas à pas, il lui a appris son métier de brocanteur et tout naturellement, quand il a décidé de prendre sa retraite au soleil, elle s’est retrouvée en charge du magasin. Une amie est bientôt venue la rejoindre ce qui laisse à Mathilde toute liberté de courir les brocantes et autres dépôt-vente.
A l’approche des Fêtes de fin d’année, elle recherche plus particulièrement des objets qui pourraient devenir des cadeaux. Dans un “dépôt-vente” d’une ville voisine, elle avait déjà déniché ce matin là, un magnifique trumeau pour une bouchée de pain, un lustre pas tout à fait vénitien mais qui y ressemblait, un vieil album de photos entièrement décoré à la main, deux authentiques “craquelés” blancs en parfait état et un samovar à peine désargenté. C’était plus qu’elle n’avait espéré trouver dans un tel lieu ! En se dirigeant vers la caisse, elle aperçut, dépassant d’un carton poussiéreux, quelques peintures sur toile. Ses trésors chargés dans sa voiture, elle revint jeter un coup d'œil sur ce qu’elle avait déjà mentalement qualifié de “vieilles croûtes”.
Elle sourit en découvrant une horrible marine dont les vagues évoquaient une plaque de carton ondulé. Une nature morte malhabile ne retint pas davantage son attention. En revanche, elle ressentit une véritable émotion en découvrant le portrait d’un petit garçon au regard un peu triste, qui serrait sur son coeur un chat joliment tigré. L'expression de l'animal disait que les heures de pose lui paraissaient bien longues. La toile était signée et datée : 1955. Incontestablement, c’était là de la très bonne peinture et le sujet était plaisant, touchant même. Mathilde contempla longuement sa trouvaille sachant déjà qu’elle la garderait pour elle-même.
...le portrait d’un petit garçon au regard un peu triste.
Si Mathilde est passionnée par les objets qui ont un passé, et qui sont parfois tombés en disgrâce par les hasards de la vie, elle voue une grande affection aux chats. Ne lui demandez pas pourquoi, elle serait bien incapable de vous répondre. C’est ainsi et cela depuis toujours. Aujourd’hui elle partage sa vie avec Scarlett, une grosse chatte grise paresseuse et Diabolo, un vif chaton noir aux yeux dorés, débordant d’affection. Son nouvel achat ferait merveille dans son bureau, accroché à côté de deux dessins de chats par Steinlen, au-dessus du canapé dont Scarlett est la maîtresse absolue. Sans grande conviction, elle explora le reste du contenu du carton.
C’était vraiment son jour de chance, au milieu de quatre peintures sur panneau sans aucun intérêt, elle eut sa deuxième bonne surprise. L’auteur du portrait avait également peint une vaste demeure à demi dissimulée par la luxuriance d'un jardin à l’anglaise, le genre de maison qui pourrait décider n’importe quel citadin bon teint de quitter la ville pour s’établir à la campagne et y élever une famille nombreuse. La façade s’ornait d’un balcon enguirlandé de roses pastel, une glycine enroulait ses lourdes grappes de fleurs autour des fenêtres, deux arbustes, plantés dans des poteries italiennes vernissées encadraient la porte d’entrée à deux battants qui devait donner sur un hall dont Mathilde pouvait presque deviner les odeurs mêlées de fleurs fraîches et de cire à l’ancienne.
L’auteur du portrait avait également peint une vaste demeure...
Hélas cette toile avait un peu souffert, la peinture était écaillée par endroits et la signature était illisible mais à n’en pas douter, il s’agissait là de deux oeuvres du même peintre. La date indiquait que ce tableau avait été exécuté deux ans avant le portrait de l’enfant. Mathilde décida, sans trop réfléchir, que ces deux tableaux étaient inséparables.
Le prix que lui en demanda le responsable du dépôt-vente était si ridicule qu’elle crut tout d’abord à une plaisanterie. Mais non, cet homme-là était très sérieux. Il n’avait certainement pas bien examiné sa marchandise et c’était tant pis pour lui !
Dès qu’elle en eut le loisir, elle entreprit de nettoyer ses nouvelles acquisitions. Par touches légères, elle débarrassa d’abord le portrait de la poussière qui s’y était accumulée au cours des années et fut enchantée du résultat. Sous sa main experte, les couleurs avaient repris tout leur éclat et le pelage du chat apparaissait vivant et soyeux. Devant la signature, elle resta interdite. Lisait-elle Léoni ? La lettre du milieu n’était peut-être pas un “O”, ne pouvait pas être un “O” ! Et pourtant ! Un “D” ne voulait rien dire, un “B” pas davantage, un “Q”, même pas la peine d’y penser. Cette signature ne pouvait être que Léoni !
-Trouver deux Léoni jetés dans un carton délabré pour quelques dizaines de francs, ça n’arrive que dans les romans, pas dans la vie ! Tu entends ça Scarlett ?
Tel un sage Bouddha Scarlett ferma à demi les yeux et replongea dans sa méditation.
- D’ailleurs Elise Léoni fait toujours précéder son nom de l’initiale de son prénom... Non, c’est impossible !
De plus en plus excitée par l’idée qu’elle avait peut-être eu une chance incroyable dans ce dépôt-vente, elle se précipita sur sa documentation et ne trouva dans aucun catalogue la mention de portrait d’enfant et de chat par Elise Léoni. Dans le doute, elle décida de confier l’autre tableau à son amie et associée Claire qui n’a pas sa pareille pour effectuer des restaurations délicates
- Si j’ai raison, il vaut la peine qu’elle passe quelques heures à lui refaire une beauté !
Scarlett n’entendit pas cette dernière remarque, elle dormait paisiblement.
La nuit suivante, Mathilde fit un rêve délicieux. Elle se trouvait dans un jardin animé de chants d’oiseaux et n’en finissait plus de s’extasier sur la beauté et la profusion des fleurs : des lilas d’un mauve délicat et des pivoines d’un rose profond mêlaient leur parfum. Des magnolias et des chèvrefeuilles apportaient des senteurs lourdes et des ombres mouvantes. Au détour d’un chemin elle découvrait la maison du tableau qui semblait l’attendre, portes grandes ouvertes. Ses pieds touchant à peine le sol elle se retrouvait dans un grand salon uniquement meublé d’un canapé recouvert de tissu fleuri. Un jeune enfant y était assis, les mains posées sur ses genoux.
- Où est ton chat ? lui demandait-elle dans un murmure. L’enfant lui souriait et, un doigt posé sur les lèvres, l’invitait silencieusement à le suivre vers l’escalier qui donnait accès aux étages supérieurs. Un ronron de chat emplissait toute la maison...
Chatouillée par les moustaches de Scarlett Mathilde s’éveilla.
Dès le lendemain, l’idée lui vint d’appeler son père qui restait sa meilleure source d’informations.
-Tu n’as jamais entendu parler de Jean-François Léoni ! Il possède deux galeries d’Antiquités, l’une à Monte-Carlo, l’autre à New-York. C’est une célébrité dans sa profession. Il a été élevé aux Etats-Unis où Elise Léoni s’est installée avec lui après son veuvage. C’est là qu’elle a rencontré son second mari et connu le succès.
Ils supposèrent que Jean-François était l’enfant du tableau et qu’il serait facile de s’en assurer en lui téléphonant, tout simplement.
Trois jours plus tard, elle parvint enfin à prendre contact avec lui. Leur entretien fut bref tant il semblait improbable à ce distingué Antiquaire que l’on puisse trouver deux œuvres de sa célèbre mère dans les circonstances que Mathilde venait de lui décrire.
- Cela dit, je serai de passage à Paris en fin de semaine et si par extraordinaire vous déteniez deux Léoni, je serais à même de les authentifier et de vous les acheter à leur juste valeur.
A peine eut-elle le temps de préciser qu’elle ne souhaitait pas vendre qu’il avait raccroché après avoir répété qu’il la contacterait dès son arrivée dans la Capitale.
Il aurait été impossible à quiconque de reconnaître dans l’Antiquaire Jean-François Léoni, l’enfant qui avait posé pour sa mère, avec son chat tendrement enlacé, quarante-cinq ans auparavant.
Raffiné, élégant, sûr de lui, un rien arrogant, les tempes argentées, il était l’image même de l’homme à qui tout réussit, à qui personne ne résiste. Après un minutieux examen, il dut se rendre à l’évidence, ces deux tableaux étaient bien d’Elise Léoni. Dès que ses yeux s’étaient posés sur le portrait, Mathilde avait vu se dessiner le sourire de l’enfant qu’il avait été jadis.
- Ce chat illumina mon enfance et me consola de la mort brutale de mon père dans un accident de voiture. Voyez ces drôles de rayures qui lui avaient valu son nom : Berlingot. Je l'aimais tant ce chat.
Il évoqua encore quelques souvenirs d’enfance dans cette grande maison, en fait un manoir datant de la fin du XVIIIème siècle, qui avait servi de modèle à l’autre tableau. Sa mère l’avait peinte sous différents angles, à toutes les saisons. Il possédait presque toutes les toiles qui représentaient cette demeure dont il chérissait le souvenir et qu’ils avaient quittée peu après l’accident tragique de son père. Ceci amena tout naturellement la conversation sur la valeur des deux tableaux. Il fit état de la cote actuelle d’Elise Léoni, produisit les catalogues de quelques ventes prestigieuses qui avaient eu lieu récemment à Genève et à Londres avec des estimations, des prix de vente. Il se montra honnête et lui proposa de lui acheter les deux toiles pour une somme qui lui coupa le souffle. Son carnet de chèques apparut dans sa main gauche tandis que le stylo, un "Mont-Blanc", massif, noir, symbole de réussite, surgissait dans sa main droite.
- Excusez-moi, mais je ne souhaite pas les vendre...
Déconcerté, Jean-François suspendit son geste. Il eut une remarque déplaisante et Mathilde comprit qu’il la soupçonnait de vouloir obtenir davantage.
Pendant quelques secondes, elle imagina tout ce qu’elle pourrait faire avec cette somme : changer son 4x4, offrir à son père la croisière sur le Nil qui lui faisait envie...Mais...elle avait acheté ces tableaux sur un vrai coup de cœur et elle trouvait presque immoral de recevoir tant d’argent alors qu’elle en avait dépensé si peu pour les obtenir sans esprit mercantile.
Mathilde éprouvait des sentiments si complexes, qu’elle ne savait comment les exprimer. Elle y mit tant de maladresse et de sincérité que Jean-François Léoni en fut touché et vivement impressionné.
Qu’une jeune femme, brocanteur de surcroît, refuse de conclure une telle affaire avait de quoi surprendre. Certes, il était contrarié de devoir renoncer à rapporter dans le giron familial des œuvres aussi personnelles mais qu’elles restassent chez une personne qui les appréciait aussi fort, pour leur beauté et l’émotion qu’elles dégageaient était une manière de consolation.
Jean-François n’est pas quelqu’un qui renonce facilement. Il évaluait ses chances. S’il prenait congé tout de suite, il repartirait sans les tableaux mais s’il prolongeait l’entretien, d’une façon ou d’une autre, il lui restait une possibilité de convaincre Mathilde de changer d’avis.
- Pour vous faire pardonner cette déception dont vous êtes la cause, accepteriez-vous de prendre un verre et peut-être de déjeuner avec moi ?
Son regard s’était fait plus amical et son sourire était incontestablement irrésistible. De plus, Mathilde avait très envie d’en apprendre davantage sur la demeure fascinante dont elle avait rêvée, aussi accepta-t-elle cette invitation avec grand plaisir.
Bien sûr, ils parlèrent “boutique” encore que la profession de Jean-François n’eut qu’un lointain rapport avec l’activité de Mathilde. Ils constatèrent pourtant qu’ils avaient chacun repris et développé une affaire familiale, celle de son beau-père dans le cas de l’Antiquaire.
Remettre la conversation sur la maison du tableau fut chose facile pour Mathilde tant le sujet replongeait Jean-François dans une période de sa vie qu’il aimait évoquer.
Pour la jeune femme, “Les Glycines” -c’était le nom du manoir- paraissait hors du temps, presque dans un autre univers surtout depuis qu’elle y avait fait une incursion en rêve. Un rêve toutefois interrompu qui l’avait laissée “sur sa faim”. Aussi, Mathilde fut-elle surprise d’apprendre que “Les Glycines” n’était qu’à une trentaine de kilomètres de Paris, à portée de regard.
- Cette propriété appartient-elle encore à votre mère ?
Jean-François répondit par la négative. Il but une gorgée du Bordeaux qui avait accompagné leur déjeuner et, silencieusement, contempla le visage de Mathilde qui se sentit rougir sous le regard insistant de cet homme tellement séduisant.
- Avec votre chevelure noire et votre teint si pâle, vous ressemblez à Youki, Reine des neiges. Avez-vous déjà vu ce Foujita ? Il est à Turin, à la Galerie d’Art Moderne. Bien -enchaîna-t-il - il me semble que nous avons tous les deux envie d’aller jeter un coup d’oeil à la maison du tableau. Je me trompe ?
Ils avaient bavardé joyeusement tout au long de la route savourant cette récréation qu’ils s’accordaient.
- Connaissez-vous les actuels propriétaires des "Glycines "? demanda Mathilde alors qu’ils s’en approchaient.
Jean-François ne répondit pas et posa un doigt sur ses lèvres comme l’avait fait l’enfant dans le rêve. Quelle surprise lui réservait-il ? Elle ne tarda pas à le découvrir. Trois minutes plus tard ils franchissaient le portail du parc des “Glycines”.
C’était bien la même maison imposante et paisible mais elle s’inscrivait aujourd’hui dans un cadre bien différent. Aucun rosier ne courait plus sur le balcon, les poteries vernissées avaient disparu et les troncs des glycines semblaient privés de vie. Les arbres dénudés étiraient leurs branches sombres sur le ciel gris. Des bancs désertés en ce jour pluvieux ponctuaient l’allée qui faisait le tour du jardin. Quelques buissons rabougris interrompaient tristement la pelouse et Mathilde remarqua que des chats apeurés s’y abritaient tant bien que mal.
La porte d’entrée livra passage à un petit homme chauve et souriant qui invita les visiteurs à entrer.
- Monsieur Léoni quel plaisir ! Cela fait bien longtemps... venez vous réchauffer avec votre amie, vous allez prendre le thé avec nous !
Il ne fallut que quelques minutes à Mathilde pour comprendre que “Les Glycines” était devenue une résidence pour personnes âgées. Jean-François lui apprit, qu’à l’arrière, dans le parc de vingt hectares, trois rangées de quinze bungalows avec kitchenette avaient été construits pour accueillir les plus autonomes des résidents.
Le thé était servi dans la salle à manger sur des toiles cirées, le mobilier était fonctionnel et plutôt laid, l’éclairage était trop cru. Quelques photographies encadrées et deux ficus maladifs tentaient d’apporter une note de gaieté à l’ensemble. Une légère odeur de désinfectant flottait dans l'air Deux femmes de service en blouses roses présentaient des pâtisseries sur des chariots roulants qui évoquaient plus l’hôpital que le restaurant 3 étoiles et les convives avaient, pour la plupart, l’air absent et le regard éteint. Au fur et à mesure que Mathilde enregistrait ces détails navrants, son accablement empirait.
Monsieur Gervais, le directeur qui les avait accueillis ajoutait ses commentaires au récit que faisait Jean-François. Il évoquait la Fondation Elise Léoni à laquelle ce manoir avait été donné et le profond désir de sa mère d’apporter un peu de bien-être aux personnes âgées et démunies.
- Chacun s’efforce de faire oublier leur solitude à nos anciens. Ils reçoivent peu de visite, y compris ceux qui ont de la famille. Pensez donc, ce n’est gai pour personne de venir ici ! Les jeunes détestent entrevoir ce qu’ils seront dans un demi-siècle !
Monsieur Gervais hochait tristement la tête.
- Nous faisons de notre mieux... nous organisons des sorties, des animations... une coiffeuse est gratuitement à leur disposition trois jours par semaine...nous les accueillons avec leur chat...
Il avait dit “chat”. Mathilde n’avait pas oublié la vision des chats apeurés sous les buissons. Elle interrogea le directeur et comprit qu’après le décès ou le départ à l’hôpital de leurs maîtres, certains animaux se retrouvaient dehors où ils survivaient grâce à de maigres restes de table que leur distribuaient les femmes de service et quelques résidents valides.
- Il faut bien libérer les chambres pour les nouveaux arrivants, avait-il ajouté en guise d'excuse.
Avant de prendre congé, Jean-François et Mathilde allèrent saluer les personnes qui s’attardaient encore devant leur tasse de thé refroidi. Le directeur faisait les présentations avec beaucoup de convivialité.
Mathilde conduisait en silence, le trafic était plus dense qu’en début d’après-midi et la pluie fine et glacée qui les avait accompagnés à l'aller n'avait pas cessé. Sa belle humeur s'était envolée et ses pensées l’entraînaient dans le jardin, vers les plus miséreux des hôtes des “Glycines”. Combien étaient-ils grelottant sous la pluie, mal nourris et sans soins ? Combien de chatons naîtraient au prochain printemps qui viendraient grossir le nombre des malheureux ?
Jean-François croyait deviner la cause de ce changement d'humeur :
- Personne ne peut leur rendre la jeunesse ni rien de ce qu'ils ont perdu, comme le goût d'entreprendre ou l'envie de vivre, tout simplement. C'est ainsi, il faut accepter. Toute l'équipe des “Glycines” est parfaite, d'un grand dévouement...
- C'est aux chats que je pensais, répondit Mathilde d'une petite voix. Elle avait dit cela comme à regret, peu désireuse de lui livrer des sentiments qu'elle le croyait incapable de comprendre et encore moins de partager. Enfant, il avait aimé son chat "Berlingot" et peut-être d'autres chats par la suite mais, comme la plupart des gens, il ne pouvait imaginer la grande détresse des animaux sans foyer. Mathilde avait déjà décidé de ce qu'elle allait faire et il n'était pas utile qu'elle en fasse part à Jean-François Léoni.
Ils se séparèrent près d'une station de taxis après qu'il lui eut renouvelé sa proposition d'achat et remis sa carte et son numéro de téléphone portable au cas où elle changerait d'avis.
Mathilde était membre de plusieurs associations de protection animale. Elle choisit d'appeler le président de celle qui s'occupait plus particulièrement des chats sans maîtres dans l'espoir que les “Glycines” serait dans son rayon d'action. Il promit de se rendre sur place et de la rappeler bientôt.
Les deux tableaux étaient maintenant accrochés dans la petite pièce où Mathilde avait installé son bureau. L'Antiquaire lui avait conseillé de confier la toile endommagée à un véritable artiste de ses amis qui exerçait son talent dans l'atelier de restauration du Musée du Louvre, ce qu'elle ne manquerait pas de faire après le rush des fêtes de fin d'année. Chaque fois qu'elle levait les yeux vers le portrait de l'enfant, il lui semblait qu'il lui souriait et l'envie lui venait d'appeler Jean-François Léoni mais elle ne trouvait aucun prétexte pour le faire. Quand elle s'offrait un moment câlin avec ses deux chats sur "le canapé de Scarlett", elle observait le jardin des “Glycines” et découvrait de nouveaux détails qui lui avaient échappé. Elle essayait d'imaginer ce qu'était alors l'intérieur de la maison mais sa récente visite avait tout gâché, elle ne voyait plus que des chaises en métal et des tables en formica, du skaï et de la toile cirée.
Moins d'une semaine après son coup de fil à l'association, "Chat l'heureux" elle reçut un appel de son président. Il lui raconta l'accueil très favorable que lui avait réservé la direction et celui non moins sympathique des résidents auxquels il avait exposé l'action à entreprendre
pour qu'il n'y ait pas de nouvelles naissances au printemps. Tout s'arrangeait pour le mieux, le directeur mettait une chambre inoccupée à la disposition des chats convalescents, et trois vieux messieurs s'étaient porté volontaires pour effectuer les captures avec le matériel de l'association, le jardinier, quant à lui, conduirait les chats chez le vétérinaire.
- Ah oui, j'oubliais -ajouta-t-il - un ancien menuisier a proposé de construire un petit chalet pour abriter les chats si on lui donne du bois et l'accès à l'atelier de l'établissement. Ils sont étonnants ces petits vieux ! Et vous ne savez pas tout -enchaîna-t-il, un rire dans la voix, le directeur, le cuisinier et une douzaine de résidents ont déjà adhéré à l'association !
Mathilde fut stupéfaite. Qu'avait dit Jean-François Léoni à leur propos ? Que personne ne pouvait leur redonner le goût d'entreprendre...
- Il semble bien que nous allons opposer un démenti à vos affirmations pessimistes Monsieur Léoni ! dit-elle à voix haute en reposant le téléphone.
Le soir même, après avoir assisté à une vente aux enchères, couru trois dépôt-vente et vendu des meubles de salle à manger qui les encombraient depuis des mois, elle s'installa confortablement dans son vieux fauteuil en cuir préféré pour examiner l'idée qui lui était venue, Scarlett et Diabolo se disputant la meilleure place sur ses genoux.
Il faut savoir ce que l'on veut et le prix qu'on est prêt à payer pour l'avoir comme dit toujours papa... Distraitement, perdue dans ses pensées, elle caressait la tête de Diabolo qui ronronnait doucement.
Le lendemain, sa décision prise, elle appela l'Antiquaire. Comme la première fois qu'ils s'étaient parlé la conversation fut brève. Jean-François Léoni décida des modalités de la transaction : les tableaux seraient déposés à la banque dont il indiqua les coordonnées à Mathilde. Le chèque établi à son ordre serait à sa disposition d'ici deux jours. Pour finir, il la remercia chaleureusement de cette décision qui ne pouvait qu'être satisfaisante pour les deux parties.
Suis-je vraiment satisfait ? s'interrogeait pourtant Jean-François, j'ai toutes les raisons de l'être, j'ai exactement ce que je voulais. La vérité, c'est qu'il éprouvait une légère déception. Il avait cru Mathilde différente des autres femmes mais il s'était trompé, elle n'était qu'une marchande prévisible qui avait réalisé une excellente affaire, voilà tout. Est-ce vraiment tout ? Il dut s'avouer qu'il avait projeté de l'appeler avec la meilleure des justifications : lui demander si elle n'avait pas changé d'avis ! Au moins une fois par jour, ses grands yeux dorés, sa chevelure brillante et sa voix chaude lui avaient donné envie de décrocher son téléphone.
Affaire classée, tout est en ordre fut sa conclusion. Jean-François Léoni était un homme très occupé et n'avait pas de temps à perdre avec de vains regrets et des rêves d'adolescent.
Il ne restait que trois semaines avant Noël. Si Mathilde voulait s'en tenir à ses plans, elle devait y consacrer toute son énergie et faire vite, très vite. Aussi, prit-elle rapidement le chemin des "Glycines" où Monsieur Gervais l'attendait en tout début d'après-midi. Ils restèrent enfermés dans son bureau pas moins de deux heures. Jeanne et Louise, les sœurs jumelles septuagé-naires, qui avaient emménagé dans un des bungalows deux ans plus tôt et qui avaient entrepris la confection de coussins pour le futur abri des chats, les virent sortir de leur entretien, un large sourire aux lèvres et se quitter sur une cordiale poignée de main.
Les jours suivants Claire ne vit son associée qu'en coup de vent. Mathilde assistait à toutes les ventes, elle achetait avec discernement en professionnelle avisée, sans s'entêter quand les enchères dépassaient les prix qu'elle s'était fixés. Elle visita les boutiques de plusieurs con-frères et discuta âprement chaque transaction. Elle savait très exactement ce qu'elle voulait et se montrait redoutable d'efficacité ! Dans une coquette auberge d'une banlieue chic qu'elle avait promis de vider avant le début de l'année, elle découvrit de pures merveilles : un chariot à pâtisseries des années trente et une douzaine de petites lampes en pâte de verre affreusement sales mais en parfait état. Son rêve prenait forme...
Aux "Glycines", Monsieur Gervais avait été fort surpris quand Mathilde lui avait exposé son idée généreuse et tellement inattendue ! En dépit de la promesse qu'il lui avait faite de garder se-crète leur conversation, il s'était empressé d'en informer la Fondation Léoni. Il n'était, après tout, que le directeur et sa mission consistait notamment à veiller à ce que rien ne vienne troubler la quiétude de l'établissement dont il avait la charge.
Ces trois semaines d'intense activité avaient rendu Mathilde pleinement heureuse. Au cours des quatre visites qu'elle avait effectuées aux "Glycines," elle s'était liée d'amitié avec de nombreuses personnes qui, toutes, se passionnaient pour les changements en train d'intervenir dans leur univers. Treize chats avaient déjà été mis hors d'état de se reproduire et personne n'avait eu le courage de les remettre dehors. Il y faisait si mauvais et Norbert n'avait pas terminé la construction du chalet dont il se montrait tellement fier ! Il restait au moins autant de chats à capturer mais leur condition d'existence s'était améliorée depuis que le jardinier avait reçu l'autorisation d'ouvrir un accès au sous-sol où la nourriture leur était distribuée. Les tuyaux du chauffage central et les ballons d'eau chaude y faisaient régner une température agréable. Tous les chats opérés avaient reçu un nom et trouvé chacun une marraine ou un parrain qui
veillait sur lui en particulier. Geneviève qui venait de fêter son quatre-vingtième anniversaire avait gentiment proposé d'aider à nettoyer les bacs litière, à ceux des résidents qui accueilleraient un chat dans leur chambre.
Chaque année Mathilde passait au moins le Réveillon et le jour de Noël avec son père. Ce Noël-ci serait exceptionnel puisque Monsieur Gervais et ses nouveaux amis avaient déclaré que ce Réveillon ne serait pas tout à fait réussi si Mathilde n'y assistait pas et que, bien sûr, son père serait aussi le bienvenu.
Elle était allée le chercher à l'aéroport et l'avait complimenté pour sa bonne mine et son teint bronzé.
- Séduisant comme tu es, tu vas peut-être trouver une fiancée demain aux "Glycines"... -plaisanta-t-elle- quand vas-tu te décider à me donner une belle-mère ?
- Et toi, quand vas-tu me présenter l'homme de ta vie et faire de moi un grand-père ?
Mathilde avait hésité sur le choix de la toilette qu'elle porterait. Elle s'était finalement décidée pour une longue robe en laine et une ceinture en argent et turquoises, chinée au cours d'un voyage en Egypte, qui soulignait souplement sa taille fine. Aucun autre bijou ne lui avait semblé nécessaire. Un discret maquillage doré mettait ses yeux en valeur et un voile de laque "spécial fête" faisait briller ses cheveux noirs d'un léger halo d'or.
- Ma fille est parfaite, avait déclaré Michel en se penchant pour respirer le parfum délicat qui l'enveloppait.
Quelques flocons de neige voletaient quand ils avaient quitté Paris. Au volant de son vieux 4x4, Mathilde devait maintenant actionner ses essuie-glaces en permanence pour dégager son pare-brise et voir le manteau blanc qui transformait tout le paysage en traditionnelle carte de Noël. Dans les phares, le manoir apparut plus beau que jamais. Michel émit un sifflement d'admiration. Toutes ses fenêtres éclairées et entourées de guirlandes faites de minuscules am-poules multicolores donnaient déjà le ton de la fête.
Dans l'entrée, le sapin décoré avait été dressé à proximité de la longue desserte en chêne que Mathilde avait "arrachée" à un confrère lors d'une vente courante. Elle servait ce soir à pré-senter les coupes en verre -dégottées chez un confrère- débordantes de friandises et des potées de jacinthes. La jeune femme ferma les yeux et respira avec bonheur leur parfum. Une agréable musique et le brouhaha des conversations mêlées de rires emplissaient la maison.
- Grand-mère disait toujours qu'on reconnaît, dès l'entrée, une bonne maison au parfum de fleurs fraîches et d'encaustique.... Michel lui pressa doucement la main.
- J'ai passé deux bonnes heures à la nettoyer et à l'astiquer, c'est un très beau meuble, merci Mademoiselle Mathilde !
La vieille dame aux cheveux de neige, surgie on ne sait d'où, souriait, les yeux plissés de joie.
Monsieur Gervais et son épouse leur souhaitèrent la bienvenue et les précédèrent dans le salon. La musique ne parvenait pas, comme Mathilde l'avait supposé, d'une chaîne stéréo mais d'un orchestre composé de trois musiciens et d'un chanteur installés sur une estrade bricolée en une journée par l'homme à tout faire de la maison, avec l'aide de Norbert qui prévoyait en-core deux jours de travail pour achever et vernir le chalet des chats ! Des enfants dans leurs vêtements de fête se pressaient autour des aînés.
Quelques chats, la queue en point d'interrogation, allaient d'un groupe à l'autre en quête d'une caresse. La grande cheminée en pierre dont le foyer accueillait depuis des lustres un croton ou autre plante verte dans son pot, avait été ramonée pour la circonstance. Un gros tronc d'arbre coupé en trois morceaux y brûlait, crépitant joyeusement. Des lampes anciennes de diverses provenances, en cuivre, en faience, chapeautées d'abat-jour saumon dispensaient à l'ensemble une lumière douce qui estompait les rides et les années. Les deux canapés -fin de série- de chintz fleuri, très British, que Mathilde avait raflés sous le nez d'un couple de jeunes mariés étaient harmonieusement disposés face à face de part et d'autre de la cheminée. Deux autres canapés et quatre fauteuils moins spectaculaires mais tout aussi confortables, en cuir, en velours, et soigneusement cirés ou dépoussiérés formaient deux enclaves plus intimes avec leurs tables basses. Les anciens fauteuils en skaï recouverts de plaids en cachemire complétaient douillettement l'ensemble.
Partout, les conversations allaient bon train et les rires fusaient. Mathilde s'apprêtait à entraîner son père vers le salon de télévision qui avait été récemment rebaptisé "bibliothèque". Elle voulait lui faire admirer le fleuron de ses achats : une immense bibliothèque anglaise en acajou qui ne pouvait s'inscrire que dans une pièce de très grandes dimensions.
- Le brocanteur qui l'avait en vente croyait ne jamais trouver d'acquéreur, de nos jours les appartements sont si petits. Il me l'a laissée pour une bouchée de pain, une affaire in-croyable...viens voir, tu ne vas pas en croire tes yeux ...
- Voilà enfin notre Reine des Neiges...déguisée en Fée des Neiges en ce magique soir de Noël...
Cette voix !... était-ce possible ? Les yeux brillants et un large sourire aux lèvres, Mathilde fit face à Jean-François Léoni, superbe dans un costume gris anthracite au tomber impeccable, accompagné d'une femme de petite taille, menue et fragile comme une porcelaine et vêtue avec une grande élégance, qu'elle reconnut instantanément pour avoir souvent vu des photo-graphies d'elle dans la presse : Elise Léoni qui lui tendait les mains en signe de bienvenue.
- Permettez-moi de vous embrasser ma chère petite... - la célèbre artiste parlait d' une voix douce et mélodieuse avec un léger accent américain. Elle avait les mêmes yeux gris et lu-mineux que son fils. Mathilde était si émue qu'elle ne trouvait rien à dire. Son père parlait à sa place, il disait son admiration pour l'ensemble de l'oeuvre et pour la générosité de cette belle fondation. En fait, Mathilde ne prêtait guère attention à ce que disait son père. Elle ne voyait que le regard admiratif dont Jean-François l'enveloppait, plus séduisant encore que dans son souvenir.
- Avec quelle baguette magique, avez-vous redonné son lustre d'antan à cette vieille demeure et mis tant de gaieté dans le cœur de ses habitants ?
Il avait attrapé son bras et se penchait vers elle, si près qu'elle pouvait sentir son souffle sur ses cheveux.
- Une baguette magique en forme de chèque Monsieur Léoni, celui que vous m'avez fait remettre...
- Voila donc comment vous gaspillez votre argent... Il riait maintenant et ne semblait pas vouloir lâcher son bras.
- L'argent n'a d'intérêt que s'il permet de se faire plaisir ou de faire plaisir aux autres, mais c'est un peu la même chose... Vous aviez dit qu'on ne pouvait leur rendre la jeunesse ni le goût d'entreprendre, regardez-les ce soir...il suffisait de trouver le déclic : une mission à accomplir ! Le sauvetage des chats si miséreux dans le parc en est une de taille ! Ils s'y sont impliqués avec tant d'ardeur que j'ai eu envie de les remercier en leur offrant ce cadeau de Noël : un cadre de vie plus chaleureux. Et puis c'est un peu mon cadeau à moi aussi. Je ne sais pas à quoi ressemblait la maison de votre enfance mais j'ai eu mal en voyant ce qu'elle était aujourd'hui, c'était si triste, si impersonnel...alors, je me suis amusée à faire quelques retouches. Et je vous rappelle que tout ceci ne m'a presque rien coûté, quelques dizaines de francs tout au plus, le prix d'achat des deux tableaux !
Ils partirent d'un même rire.
- Quelques dizaines de francs, certes mais vous avez aussi renoncé à deux tableaux que vous aimiez semble-t-il...Jean-François baissa la voix et murmura à son oreille qu'il avait envie de l'embrasser.
Monsieur Gervais arrivait près d'eux à grandes enjambées, les joues rouges :
- On est un peu débordés ce soir. Jamais le Réveillon de Noël aux "Glycines" n'a connu un tel succès.
Il expliqua à Mathilde que, chaque année, les familles des hôtes de l'établissement étaient invitées à participer à ce réveillon pour animer la soirée de ceux qui n'ont plus personne. Beaucoup déclinaient l'invitation préférant un Noël plus intime dans leur foyer.
- Cette fois, ils sont presque tous là ! A la cuisine, ils sont un peu affolés, comme nous tous ! On n'a jamais connu çà ! Un peu plus tôt, ils m'ont annoncé qu'ils voulaient danser après le dîner. Je vous fiche mon billet qu'il n'y a guère que les invalides en fauteuil roulant qui ne danseront pas ce soir !
Avant de repartir vers la cuisine il les invita à rejoindre le salon où chacun réclamait leur présence. Mathilde fut embrassée, cajolée. On lui présenta des enfants, des petits-enfants. Elle fit la connaissance de Brigitte, la petite-fille de Louisette -elle ne se rappelait plus qui était Louisette, mais c'était sans importance-. Brigitte venait d'obtenir son diplôme d'esthéticienne et avait proposé ses services pour rendre plus belles les dames qui le désiraient. C'est ainsi qu'elle avait travaillé tout l'après-midi, chacune voulant se montrer sous son meilleur jour, d'autant plus qu'elles rivalisaient d'élégance. Depuis plusieurs semaines, elles avaient choisi leur toilette dans des catalogues de vente par correspondance. Ces achats avaient donné lieu à de longues discussions, car il fallait éviter que deux personnes n'arrivent au dîner dans des robes identiques.
- Vous voulez mon avis ? Cette maison ressemble plus à un joyeux pensionnat qu'à un établissement réservé au troisième âge...
Mathilde sourit à Jean-François qui restait dans son sillage. Quelqu'un plaqua quelques accords sur le piano, que Claire avait tenu à offrir. Il avait fallu quatre hommes pour le descendre du camion et trois quarts d'heure pour lui trouver le meilleur emplacement. Manifestement, personne ne s'était avisé qu'il avait besoin d'être accordé...
La décoration de la salle à manger où ils passèrent bientôt donna lieu à des applaudissements. Les vilaines tables habituelles alignées contre le mur étaient recouvertes de longues nappes damassées pour constituer un buffet de hors-d'oeuvre raffinés qui seraient remplacés en fin de repas par des pâtisseries. Etant donné le nombre inhabituel de convives, on avait loué des tables rondes avec nappes et vaisselle élégante. Les petites lampes en pâte de verre soigneusement nettoyées par Mathilde étaient du plus bel effet sur les tables avec des garnitures de houx et de gui.
Les boissons circulaient sur le chariot à pâtisserie des années trente. Des chromos anciens dans leur cadre de bois sculpté, achetés la semaine dernière dans une boutique de la rive gauche, décoraient les murs.
Un peu avant minuit chacun des hôtes des "Glycines" reçut un petit cadeau personnalisé de la Fondation Léoni. La fête se prolongea tard, une belle fête de famille unie et chaleureuse que la présence des chats rendait encore plus conviviale.
Installés dans un canapé près de Michel et d'Elise Léoni qui parlaient peinture et jardinage, Jean-François et Mathilde goûtaient pleinement cette soirée. Un chat noir était venu se lover fa-milièrement contre la hanche de Mathilde. Jean-François tendit un grand paquet enrubanné à sa compagne.
- Je vous connais peu, alors j'ai cédé à la facilité en choisissant mon cadeau...
Tremblante d'émotion, incrédule, Mathilde découvrit les deux tableaux grâce auxquels tout ceci avait été possible. Elle protesta, c'était bien trop...Elise Léoni se joignit à son fils pour l'assurer que personne mieux qu'elle ne méritait de posséder ces deux œuvres et qu'elle leur ferait grand plaisir à tous deux en les acceptant.
Alors que les dernières braises se consumaient dans la cheminée, Jean-François, prit les mains de Mathilde dans les siennes et lui offrit de devenir son associée.
- M'associer avec vous, mais... je n'en ai pas les moyens !
- Je reste le financier de la société, vous apportez votre flair et votre chance insolente. Avec vous, je suis certain de dénicher les meilleures affaires. Pour commencer, si vous le voulez bien, nous partons la semaine prochaine en Italie. Il y a une vente exceptionnelle à Venise dans un Palais de rêve, vous allez adorer. Et puis j'aimerais vous emmener à Turin., vous devez absolument voir ce FOUJITA, vous ne m'avez pas pris au sérieux quand j'ai dit que vous ressemblez à Youki, la Reine des Neiges...
- Tout ceci est si soudain, je ne sais que vous répondre...
Son père qui n'avait pas perdu un mot de cette conversation se pencha vers elle :
- Dis oui, ma fille...
Monique Arens - décembre 2001
Les deux aquarelles "chat" qui illustrent ce texte sont de Yuliya Podlinnova ...