Publié le 30 Avril 2013
Au mois de mai 2001, nous avions fait stériliser et identifier une jeune chatte tricolore qui était retournée, après sa convalescence, à sa vie de chatte "libre" dans le parc de Bligny. Libre car elle n'était pas sociable et n'avait aucune chance de séduire un adoptant. Au cours des tournées de nourrissage, nous la voyions parfois de loin en loin. Christophe la désigne par "la miauleuse". C'est qu'elle parle cette chatte là ! Elle parle mais ne se laisse pas attraper même si elle s'approche à la vue de la gamelle.
A plusieurs reprises Christophe, Annick, Brigitte, Christophe et Annick, puis Christophe et Monique ont essayé de la faire entrer dans une cage de transport car ils ont bien vu que son oeil droit est à moitié fermé, qu'il coule, bref qu'il aurait besoin de soins. Rien à faire, la miauleuse vient chiper rapidement un peu de la nourriture appât qui lui est présentée et s'écarte brusquement juste au moment où vous croyez que vous allez pouvoir la pousser et refermer brusquement la porte de la cage.
Dimanche dernier alors que je croyais en avoir fini pour la journée du travail "chats", le téléphone sonne. Un patient de l'hôpital de Bligny me fait part de son inquiétude : depuis plusieurs jours un chat est couché au pied d'un buisson et n'arrête pas de miauler. Nous nous donnons rendez-vous car je n'identifie pas l'endroit qu'il me décrit pour trouver ce chat en difficulté. J'attrape une cage, une paire de gants épais et une gamelle bien garnie d'une nourriture à base de poisson.
Arrivée sur place je découvre qui ? La miauleuse ! de son vrai nom Reine, dite Moumoute. Si elle a des problèmes, ils ne concernent pas l'odorat. A peine a-t-elle senti l'odeur de la gamelle que je lui présente qu'elle bondit et court en direction de la niche dans laquelle elle sait trouver la nourriture que nous distribuons régulièrement. La gamelle que je dépose près d'elle a un grand succès, elle s'approche tout près de moi, je parviens même à passer mes doigts sur son dos et je sens immédiatement une grosse boule qui ne devrait pas se trouver là. Mais ce qui saute au yeux c'est l'état du bas de son dos, tout pelé, tellement irrité qu'il parait ensanglanté. Dans quel état est cette pauvre chatte ! Avec des ruses de sioux je la décide à entrer de plus en plus loin dans la cage pour voler un petit morceau de poisson et ressortir vite, très vite. Enfin je suis plus rapide qu'elle ! La porte de la cage se referme brutalement sur la miauleuse ! Ouf, je l'ai ! (sous les yeux admiratifs du patient, tout de même, il faut le dire...). Elle se débat comme un diable dans un bénitier -pour reprendre une des expressions de ma Grand-mère-.
La cage immédiatement recouverte d'un large tissu pour la calmer, je rapporte ma prise à la maison.
Certes elle a de gros problèmes mais n'a pas perdu l'appétit, voilà qui est plutôt rassurant pour la suite.
Lundi matin c'est Annick qui la conduit chez notre vétérinaire. Elle sera opérée le jour même. L'affreuse masse de son dos est retirée et envoyée au laboratoire pour une biopsie. Toute la surface pelée est nettoyée, désinfectée. Elle reçoit une injection de cortisone et des antibiotiques et le soir je ramène notre opérée chez moi.
Elle "parle", elle souffle, elle grogne et elle engloutit tout ce que je lui présente. Dans une douzaine de jours elle retournera chez notre vétérinaire pour le retrait des fils . D'ici là le laboratoire nous aura renseignés sur la nature de la tumeur.
Ce qui est à craindre c'est qu'il ne découvre un fibrosarcome tant redouté des amis des chats. Un fibrosarcome dont trois de mes chats sont morts en dépit de plusieurs chirurgies, de curiethérapie, de radiothérapie. Un fibrosarcome récidiviste jusqu'au jour où il n'est plus possible d'opérer.
Voilà le PIEGE dans lequel je vais probablement tomber car je sais bien que je n'aurai jamais le courage de remettre dans la nature une chatte fragilisée qui souffle, qui grogne, qui cherche à donner des coups de patte toutes griffes dehors, dont personne ne viendra jamais me "débarrasser" !
P.S. Le patient qui m'a alertée a demandé s'il pouvait me rappeler pour prendre des nouvelles de ce chat dont il a eu pitié. La conclusion qui s'impose : LES PATIENTS DU C.M. DE BLIGNY ONT PLUS DE COMPASSION POUR LES CHATS QUE LE PERSONNEL SOIGNANT !