Publié le 31 Août 2013
Tout récemment j'ai évoqué le Code de déontologie que doivent accepter les associations de protection animale qui, comme la nôtre, sont affiliées à la Confédération Nationale <Défense de l'Animal>.
Vous l'aurez peut-être compris, certaines clauses ne sont pas faciles à respecter. Je pense notamment aux associations qui gèrent un refuge. Elles s'obligent à accepter tous les animaux qui leur sont apportés. Les murs des refuges n'étant pas extensibles, pour ne pas refuser un animal il faut parfois faire de la place ! Et faire de la place cela signifie sacrifier les plus anciens, ceux qui ont peu de chance d'être adoptés un jour. Dans les refuges qui disposent de beaucoup d'espace, de grands parcs, il est peut-être possible de garder les anciens mais dans ceux où les animaux n'ont accès qu'à des boxes étroits et des minuscules courettes il serait d'ailleurs cruel de maintenir en détention des animaux dont le seul crime est d'avoir été abandonnés.
En bref, jamais je n'aurais été capable de gérer un refuge et de sacrifier des animaux sur de pareils critères.
L'article 2 du Code concerne la limitation de la reproduction des animaux de compagnie par la stérilisation et la suppression des portées à la naissance.
Si nous sommes unanimement d'accord pour stériliser, l'euthanasie des portées de nouveaux nés nous paraît bien cruelle mais nécessaire. Ajoutons à cela que les vétérinaires ne nous aident pas à faire ces choix ; leurs études et leur éthique ne les destinent pas à donner la mort, sauf en cas de souffrances et d'absolue nécessité, mais à préserver la vie.
Très souvent les chattes "sauvages" capturées sont gestantes. Bien que ça ne soit pas de gaîté de coeur, les vétérinaires pratiquent alors une ovario-hystérectomie. L'utérus et son contenu est prélevé et éliminé en même temps que les ovaires.
Par chance, nous n'avons que rarement capturé une chatte qui venait de mettre bas et l'horrible besogne nous a ainsi été le plus souvent épargnée.
J'ai eu un jour, au mois de mai 1999, une telle diécision difficile à prendre. Cette histoire, je l'ai racontée dans notre publication trimestrielle de l'époque "La Lettre des Amis des Chats de Bligny", au mois de juillet de la même année. Je vous la propose à la suite ...
Histoire de Zaza
Un dimanche matin du mois de mai, je reçu un appel angoissé d'une habitante de La Norville. Une jeune chatte sauvageonne avait mis bas dans le massif de rosiers pendant la nuit et Madame N. se sentait incapable de les lui prendre. Oh, bien sûr, il fallait s'y attendre, une portée de cinq était née à la fin de l'été dernier dans le jardin voisin et comme elle n'y recevait aucune nourriture, la famille entière avait pris l'habitude de se faufiler sous le grillage pour venir vider les gamelles que Madame N., compatissante, remplissait pour eux. De là à venir s'installer pour de bon sur ce territoire plus hospitalier, il n'y avait qu'un petit pas à franchir...
Il fallait agir vite, avant que leur mère, consciente du danger, n'aille les dissimuler dans une cachette d'où ils ne ressortiraient qu'en gambadant joyeusement. C'est Lina qui se chargea courageusement de porter les nouveaux nés chez le vétérinaire pour les envoyer, sans souffrance, au paradis des chats.
Pas besoin d'une boule de cristal pour imaginer, dans un proche avenir, le paysage peuplé d'une importante colonie de chats "sauvages" car d'autres naissances étaient prévisibles à court terme. De toute évidence, aucune des quatre jeunes chattes - le cinquième est un mâle - ni leur mère ne se laisseraient attraper à la main. Nous allions mettre en place toute la batterie de cages pièges et nous armer de patience ! Lina, puis la propriétaire des lieux que nous avions initiée au dur métier de trappeur de chats firent merveille. Bon nombre de naissances furent évitées et trois jeunes opérées retrouvèrent leur territoire après la convalescence de rigueur.
Vint le tour de Zaza -chaque chat avait déjà reçu un nom de leur protectrice- de se faire prendre au piège. Aussitôt, Lina la conduisit chez un vétérinaire dans l'étroite trappe de capture métallique. Elle y passa la nuit. Pauvre petite Zaza ! Au matin le praticien eut la surprise de découvrir deux minuscules chatons que leur mère défendait en y mettant tout ce qu'il lui restait de forces. Courageux mais pas téméraire le vétérinaire ! Par téléphone, il nous pria de venir récupérer notre matériel et son contenu ! C'est ainsi que je fis la connaissance de Zaza, si attendrissante avec ses chatons accrochés aux mamelles dans sa prison de métal. Comment vous la décrire ? Au premier regard elle n'a rien d'extraordinaire si ce n'est ses très grands yeux vifs et intelligents. Sa robe est tigrée avec une large bavette blanche et chacune de ses pattes porte une touche de blanc. Son ventre est clair et son poil est fin, dense et soyeux. Elle est très jolie.
Sitôt entrée dans la cage confortable que nous venions de lui préparer, Zaza se réfugia dans le bac à litière comme le font presque tous les chats "sauvages". J'en profitai pour subtiliser rapidement les chatons. A mon tour, j'allais m'infliger cette si déplaisante tâche de conduire les nouveaux nés à la mort. Notre vétérinaire, comme tous ceux qui respectent les animaux, n'aime guère pratiquer ces euthanasies. Pour échapper à cette besogne, il me prédisit un très mauvais week-end, bourrelée de remords ! Il y a tant de chatons que l'on découvre dans la nature bien trop grands pour être euthanasiés qu'il faut s'interdire de céder à nos émotions et faire ce qui doit être fait. Nous le savions tous deux.
De retour à la maison, j'allai immédiatement voir comment se comportait la nouvelle pensionnaire. Elle n'avait pas bougé du bac à litière mais elle n'y était pas seule ! Deux nouveaux chatons étaient en train de prendre leur premier repas ! Zaza, les tenait solidement entre ses pattes avant et procédait à leur toilette. Elle avait fort à faire tant ils étaient collants et couverts de litière! Croyez-vous que je <<refusai de céder à mes émotions et que je fis ce qui doit être fait >>? Eh bien non ! Qu'auriez-vous fait, vous ? Trop c'est trop, Zaza avait eu son compte d'épreuves. Aussi doucement que possible, pour ne pas l'effrayer, je pris les bébés et les débarrassai de la litière, vraiment trop indigeste. Elle m'observait et comprenait ce que je lui disais pour la rassurer, je pourrais le jurer. J'étais bien consciente de commettre une erreur ; j'allais devoir garder cette sauvageonne pendant au moins deux mois et affronter toutes les difficultés que cela représente car il n'était pas possible de la maintenir en cage avec ses chatons durant une aussi longue période. Comment se comporterait-elle une fois lâchée dans la maison où je serais bien obligée de l'accueillir ? Je ne tardai pas à l'apprendre puisque après la première semaine passée dans la cage la plus spacieuse de la chatterie, Zaza et les petits furent installés dans une cage plus modeste, placée dans la cuisine. Une ouverture sur le dessus offrait à la maman la possibilité d'aller et venir à sa guise entre cuisine, living-room et mezzanine sur laquelle est installé mon bureau, tandis que les bébés ne risquaient pas de s'éloigner du "nid". J'avais remisé les objets les plus fragiles, bien inutilement puisque jamais Zaza ne commit la plus petite maladresse. Elle passait de longs moments avec ses chatons et sitôt sortie de la cage, s'empressait de grimper, gracieuse comme un écureuil, sur les fermes apparentes du living-room, là où personne n'irait la déranger. Elle y dormait, y faisait tranquillement sa toilette et observait les allées et venues de la maison. Au premier cri d'un bébé, vite elle retournait près d'eux. Peu à peu, elle accepta mes caresses mais seulement dans l'espace étroit de la cage. Comme tous les chatons du monde, les siens découvrirent les plaisirs de leur âge. Zaza les accompagna dans tous leurs jeux, elle se montra et se montre toujours, trois mois plus tard, une mère attentive et tendre. Futée, elle apprit comment obtenir de moi son petit suisse quotidien : postée devant le réfrigérateur elle émet un léger cri de gorge bien particulier et entame une danse du scalp autour de mes jambes. Il y a quelques jours elle vint s'installer sur le canapé à moins d'un mètre de moi. Une première ! A ma surprise, elle ne bougea pas quand j'avançai la main pour la caresser et, comble du bonheur, elle accepta que je la prenne sur mes genoux ! J'eus droit à toutes les marques d'affection : ronronnements sonores et pétrissage en règle ! Pirate et Pastel sont largement en âge d'être adoptés. Alors que je mets la dernière main à ce récit, ils sont encore collés à leur mère et la têtent goulûment. Je ne peux m'empêcher d'éprouver de la tristesse en songeant à la séparation, à leur séparation ! C'est pitoyable au fond une vie de chat...Et Zaza qui n'a jamais manifesté le désir de sortir, faut-il la rendre au jardin où elle est née ? Faut-il espérer que quelqu'un voudra l'adopter ?
Epilogue
Dès que Pirate et Pastel eurent assez de force pour grimper dans les poutres, ils prirent l'habitude d'y rejoindre leur mère, ils y passaient ensemble de longues heures. Pendant toute la durée du printemps j'avais évité d'ouvrir les fenêtres du living-room de crainte de voir s'échapper la captive. Pour aérer je devais attendre que la famille soit réunie dans la cuisine où je pouvais les retenir.
Rassurée par l'attachement sans faille qu'elle manifestait à ses "bébés", j'ouvris un jour la porte qui donne sur le balcon. Elle s'y dirigea tranquillement et trouva rapidement le moyen de descendre dans le jardin en empruntant le chèvrefeuille. Discrètement je surveillai l'exploration qu'elle fit du jardin et quelle ne fut pas ma surprise de la voir revenir par le même chemin. Le lendemain, sitôt la porte du balcon ouverte, Zaza appela ses chatons et les invita à la suivre, ce qu'ils firent sans problèmes et toute la famille réintégra la maison comme Zaza l'avait fait la veille.
Il arriva, à plusieurs reprises, que je veuille présenter Pirate et Pastel à de potentiels adoptants. Mais... dès qu'ils voyaient entrer des inconnus, les trois chats grimpaient à toute vitesse dans les fermes et restaient hors d'atteinte tant que les "intrus" n'avaient pas débarrassé le plancher, découragés par ces chatons pas sociables !
Jamais je n'ai vu une famille aussi unie que ces trois là ! Comment me serais-je entêtée à vouloir les séparer ? Les "bébés" avaient un an et plus qu'ils continuaient de téter Zaza, même si elle n'avait plus de lait depuis longtemps. Jamais elle n'a cessé de s'occuper d'eux, de faire leur toilette en mère attentive pendant les années suivantes.
Seule la mort de Zaza, au mois de novembre 2009, les a séparés. Zaza a subi sans broncher un traitement contre son insuffisance rénale, en vain. Photo prise quelques jours avant son départ.
C'est maintenant Gourmette, la sauvageonne, qui squatte les fermes apparentes depuis le mois de novembre 2011 !